Cocorico

11 Il revient assez fréquemment à une certaine lenteur qui lui est propre, dans les discussions comme dans le passage à l’acte d’écrire. Mais cette lenteur, bien loin d’être un défaut, est dans ce monde de l’instantané régi par le Livre Guiness des records, une qualité précieuse. Je dirais même volontiers qu’il s’agit là d’une qualité paysanne, et ardennaise, ce qui est doublement paysan. Cet homme en effet qui refait jour par jour la même promenade, comme Kant à Koenigsberg, et qui s’arrête en chemin pour attendre que le soleil dissipe le brouillard de sa vallée, cet homme à qui chacun des arbres de ses propriétés raconte une histoire, n’est pressé ni dans ses jugements, ni dans ses éloges. Qu’il s’agisse de Gabriel Matzneff ou de Jean Giono, il cherche à comprendre avant de juger. Les sujets de sa curiosité sont des plus variés : que ce soit l’évolution de la société, le déclin de la religion, la façon de concilier religion et francmaçonnerie, les risques de guerre ou les changements du climat, et puis surtout, ses amis les historiens, philosophes, écrivains, peintres, aussi bien proches que lointains (la lecture elle-même étant démarche d’ami, créatrice de liens…).N’ai-je rien oublié ? Si, bien sûr, l’attachement à notre langue paysanne, wallonne, gaumaise ou picarde, liée à ce mode de vie paysan qui était celui de nos villages… Dans notre course à l’argent, au confort, à la vie facile, ne laissons-nous pas aux ronces du chemin les plus belles pièces de notre habit ? Mais il est temps que je lui laisse la parole, ainsi, p.222 : « Certes, ce spectacle me réjouit, mais il y a aussi en moi le propriétaire de terres traversées par ces castors victorieux. Je contemple tristement mes aulnes et mes peupliers qui sont renversés, ainsi que mes bois qui font progressivement place à des plans d’eau. Comme le concluait le documentaire, il n’y a plus qu’une seule solution : il faut que l’homme apprenne à vivre avec le castor. » Et, p.218 : « Et puis, écrire me révèle souvent à moi-même, car mon porteplume m’échappe et se met à courir librement sur la feuille. Ainsi, une idée enclenche une autre, à laquelle je ne songeais d’abord nullement. Et pourtant, cette nouvelle idée, dont je ne connaissais rien, émane elle aussi, de mon propre esprit. » Et la suite de ce passage en constitue une fort belle illustration : « Dans la vallée de la Semois, rien – sinon une froidure qui pince le bout des doigts

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