7 Jean Hamblenne, L’istwère do monde racontéye pa lès bièsses, 62 pp., 2022, chez l’auteur, BP 19, 1420 Braine-l’Alleud, jeanhamblenne@ymail. com, couverture de Clotilde Hamblenne. Particularité de cet ouvrage : chacun des récits est raconté à la première personne du singulier par l’animal qui en fait l’objet, un va-et-vient incessant, donc, entre le sujet et l’objet – et nous voilà en pleine philosophie. Mais rassurez-vous, Jean Hamblenne ne fait pas concurrence à Jean-Paul Sartre. Il faut remonter plus haut pour retrouver sa famille spirituelle : Esope, pas moins. Une bonhommie pleine d’humour, parfois un peu acide, il est vrai, mais combien juste. Mais il faut encore remonter plus haut : la colombe de l’arche, et le corbeau, blanc et noir, ainsi que le serpent qui tenta Eve et en fut bien puni, puisqu’il y laissa ses pattes. Bref, une sagesse immémoriale, goguenarde et bien wallonne : donc, pas si loin que ça de l’universel. Mais je serais un bien mauvais commerçant si je ne vous faisais pas goûter la marchandise : du wallon simple, direct, sans afféterie – avec beaucoup d’amour pour les bêtes (mais il en reste un peu, quand même, pour les gens, même s’ils sont assez souvent insupportables). Voici donc un extrait d’une histoire trop peu connue, celle du baudet lauré lors d’un concours de peinture, après avoir réalisé un tableau plutôt surréaliste sous la houlette de Roland Dorgelès, à Montmartre, près de chez Frédé : Adon, li Roland m’ prind pa l’ lache et m’ mwinrner è s’ maujone. I-gn-aveut là saquants soçons èt on uchîr qui scrîjeût tot ç’qu’on fieut su s’papî. Vélà, on tchôke mi quèwe dins on potia d’ coleûr, et on m’ done one bèle carote. Binauje,, mi, qu’ dj’èsteu. Et quand dj’ so binauje, dji faî aller m’ quèwe come lès tchins. Il aveut mètu one blanke twèle padrî mi, ça faît qui m’ quèwe fieut dès tatches di coleûr dissu. On l’ trimpe dins one ôte coleûr, one ôte carote, èt todi insi. I n’ont djoké qu’ quand dj’a stî guèdé. Alors, le Roland m’a pris par le licou et m’a mené chez lui. Il y avait là quelques copains et un huissier qui inscrivait sur papier tout ce qu’on faisait. Là, on fourre ma queue dans un pot de couleur, et on me donne une belle carotte. Content, moi, que j’étais. Et quand je suis content, je remue de la queue, comme les chiens. Il avait placé une toile blanche derrière moi, si bien que ma queue y faisait des taches de couleur. On la trempe dans une autre couleur, une autre carotte, et ainsi de suite. Ils n’ont arrêté que quand j’ai été rassasié.(trad.J.B) Devinez donc qui remporta le prix de peinture ? Boronali, cul par-dessus tête. La réalité dépasse parfois la fiction. Et à part ça, comment va le monde ? Il va, monsieur, il va. Cela, c’est moi qui l’ajoute, mais je crois que Jean Hamblenne ne me contredirait pas. Joseph Bodson (Ces textes ont paru dans El Bourdon, Les cahiers wallons et Lë Sauvèrdia)
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