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L'importance de nos langues régionales est depuis longtemps consacrée par l'Université. Les travaux des linguistes et des philologues sont pour elles les meilleures lettres de crédit. La synthèse qui suit, due à la plume du professeur Jean-Marie Pierret, souligne l'ampleur des études linguistiques et littéraires dont elles font l'objet. Aujourd'hui encore, nos langues régionales inspirent aux chercheurs étrangers, notamment aux Etats-Unis et au Canada, des travaux sur leur morphologie et leur syntaxe. Elles font aussi l'objet d'enquêtes et d'analyses en matière de socio-linguistique. L'étude scientifique des langues régionales de Wallonie(1), Les premiers essais de description des langues régionales de Wallonie datent de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Ce sont, en général, des inventaires lexicaux faits par des érudits comme le Montois Ph. Delmotte (1745-1824), le Malmédien A.-Fr. Villers (1748-1794) ou l'abbé Ph. Aubry (1740-1829), curé de Bellevaux (près de Bouillon). Il existe encore toute une série d'autres travaux, mais c'est de manière indirecte et involontaire qu'ils constituent des sources pour la connaissance des idiomes de Wallonie, leurs auteurs ayant surtout pour but d'apprendre à parler correctement le français à toutes ces personnes "élevées chez des parents qui ne connaissent que le patois de leur endroit" (J.-B. Dasnoy, 1856). Le premier à aborder de manière scientifique nos langues régionales est Charles Grandgagnage (1812-1878). Mettant à profit l'enseignement du grammairien allemand Fr. Diez, le fondateur de la philologie romane, il compose un Dictionnaire étymologique de la langue wallonne (le tome I a paru en 1845), qui est le premier ouvrage de philologie wallonne. C'est grâce à ce dictionnaire que le wallon occupe une place importante dans les premières grandes synthèses sur les langues romanes, dans le dictionnaire de Littré, etc. La fondation , en 1856, de la Société liégeoise de littérature wallonne marque également une date importante : comme Grandgagnage, un de ses membres fondateurs, cette société affirme haut et fort que nos parlers populaires méritent d'être cultivés et que leur étude peut faire l'objet d'études scientifiques. Tout au long de la fin du XIXe siècle, elles sera le lieu principal où se développeront les études de dialectologie. Bien que se qualifiant de liégeoise à ses débuts (elle s'appelle actuellement Société de langue et de littérature wallonnes), cette société s'est toujours intéressée à toute la Wallonie. Elle a publié un ensemble impressionnant d'études se rapportant à presque toutes les régions de la Wallonie, moins -sans doute- pour les régions picardes que pour les régions wallonnes et gaumaises. Parmi ces publications, on retiendra surtout une fort belle collection de vocabulaires technologiques, des études et des glossaires portant sur une localité ou une région (par exemple les travaux sur Faymonville de l'abbé J. Bastin, le travail sur l'ouest-wallon du Père A.Grignard, une phonétique comparée du wallon et du gaumais de J. Feller, les glossaires de Tintigny, de Chassepierre, etc.), des travaux sur le folklore, la toponymie, le français régional, des éditions de textes... L'étude des dialectes commence à être pratiquée par des universitaires. En 1890, Maurice Wilmotte inaugure, à l'Université de Liège, une section de langues et de littératures romanes. Il venait juste de publier, dans la grande revue Romania, trois Essais de dialectologie wallonne, dans lesquels il analysait des chartes originales du XIIIe siècle. A l'occasion de sa nomination comme professeur, de jeunes chercheurs, parmi lesquels Auguste et Georges Doutrepont et Jean Haust, lui offrent un recueil de Mélanges wallons. Un des points du programme de la Société de littérature wallonne depuis sa fondation était l'établissement d'une graphie normalisée qui rende compte de toutes les particularités de nos langues régionales. C'est à Jules Feller que revient le mérite d'avoir conçu un système orthographique admirable, assez proche du système français, et qui a rendu bien des services aux auteurs dialectaux et aux dialectologues. Au début de ce siècle, la Société se lance sans un grand projet de Dictionnaire général de la langue wallonne, projet assez semblable à celui du Glossaire des patois de la Suisse romande. Elle confie le travail à trois de ses membres qui sont d'éminents philologues, Auguste DOUTREPONT, Jules FELLER et Jean Haust. La documentation s'accroît très rapidement. C'est alors que paraît l'Atlas linguistique de la France (1902-1920) de Jules Gilliéron, dans lequel la Wallonie est représentée par 23 points. De même, Charles Bruneau publie les matériaux d'une Enquête linguistique sur les patois d'Ardenne (1914-1926), effectuée dans 93 localités (dont 36 en Wallonie) entre Givet et Montmédy, avec un questionnaire assez semblable à celui de Gilliéron. Mieux que tout autre, J. Haust avait compris l'enseignement méthodologique de Gilliéron : les atlas linguistiques, établis à partir d'enquêtes orales sur le terrain, sont des sources bien plus adéquates que les documentations écrites, pour donner une vue fidèle des parlers régionaux ; en outre, la répartition géographique des formes et des mots constitue une donnée importante pour celui qui les décrit et en retrace l'histoire. Haust, renonçant à collaborer au dictionnaire wallon, entreprit à partir de 1924, une grande enquête sur les dialectes de Wallonie. Avec le départ de Haust, la Société de littérature wallonne allait perdre quelque peu son rôle moteur dans la recherche. Heureusement, la dialectologie avait reçu une consécration en devenant une discipline enseignée à l'université : l'Université de Liège avait institué cet enseignement en 1920 et avait confié un cours de dialectologie wallonne à Haust et un cours de littérature wallonne à Feller; le cours de Haust sera repris par Louis Remacle, puis par Jean Lechanteur; celui de Feller, par Rita Lejeune, puis par Maurice Piron et Daniel Droixhe. Les autres universités adopteront à leur tour la dialectologie dans leur programme. A Gand, le cours est assuré par Eugène Ulrix à partir de 1932; lui succèderont Louis Michel, puis Maurice Piron. A Louvain, le cours est créé en 1938 par Omer Jodogne, auquel succède André Goosse; en 1965, W. Bal crée le cours de littérature wallonne; les deux cours sont assurés actuellement par Jean-Marie Pierret. A Bruxelles, c'est Albert Henry qui a été chargé de la dialectologie, à partir de 1948; il a été remplacé par Jacques Pohl, puis par Daniel Droixhe. A l'Université flamande de Louvain, la dialectologie wallonne a été enseignée dans les années 70 par Hugo Plomteux. En plus de ces cours, les programmes de certaines universités offrent des cours sur l'onomastique, le folklore, le français régional, etc. Ainsi, la dialectologie est devenue une discipline dans laquelle les jeunes romanistes peuvent se former et effectuer un mémoire de licence (certains ont connu les honneurs de la publication) et même une thèse de doctorat (une dizaine ont été soutenues depuis les années 70). La Commission royale de toponymie et dialectologie, organisme créé en 1926 par les pouvoirs publics, contribuera également à stimuler la recherche. Etablissant des contacts entre les chercheurs de toutes les universités et de toutes les régions du pays - wallonne, allemande et flamande-, elle favorise les échanges sur les méthodes de travail et sur les études consacrées à des problèmes communs, en particulier les contacts entre les domaines roman et germanique. Elle publie des travaux importants dans sa collection de Mémoires et dans son Bulletin, et notamment une bibliographie critique annuelle qui permet de suivre l'évolution de la discipline - la bibliographie wallonne a malheureusement cessé de paraître à la mort d'Elisée Legros. Un enseignement universitaire et des cadres pour mettre ensemble des chercheurs, c'est une situation propice au développement d'une discipline. Le rôle des dialectologues de l'Université de Liège a été déterminant au point que l'on a pu parler d'une "école liégeoise de dialectologie". Il faut évidemment mettre hors pair J. Haust, véritable maître de la discipline, pour ses travaux nombreux et variés. Son Dictionnaire liégeois est et restera longtemps encore un modèle. Les élèves de Haust, L. Remacle, E. Legros et M. Piron ont repris les flambeau et continué sa grande enquête sur les parlers de la Wallonie; puis ils ont enrichi et diversifié les domaines de recherche. Il est impossible de citer ici leurs productions, mais il faut faire une exception pour les trois volumes que L. Remacle a consacrés à la description de la syntaxe wallonne, à partir d'une observation minutieuse du parler de son village de La Gleize. Des philologues étrangers, devant l'intérêt de tous les problèmes soulevés par les dialectologues wallons, sont venus à leur tour se pencher sur nos langues régionales, par exemple les Français Ch. Bruneau et A. Lerond, les Hollandais M. Valkhoff et L. Geschiere, le Roumain S. Pop, l'Américain E. B. Atwood... Un des nombreux avantages de l'orthographe Feller, généralement utilisée dans les travaux de dialectologie, même les plus spécialisés, réside dans le fait que le public n'a jamais été coupé de la recherche : un non-spécialiste peut apprécier la richesse de la documentation de l'atlas wallon ; il ne peut lire les cartes de Gilliéron qui utilisent une transcription phonétique. Stimulés et guidés par des modèles tels que le Dictionnaire liégeois, de nombreux érudits ou amateurs éclairés se sont mis, à leur tour, à la description de leur parler. Cela a donné des collectes en tout point remarquables, qui font de la Wallonie une des régions les mieux connues de la Romania. Certains de ces ouvrages sont même proposés en exemple, ainsi le lexique namurois de Lucien Léonard, pour son classement onomasiologique. Bien d'autres travaux de chercheurs non universitaires devraient être cités : le dictionnaire de l'ouest-wallon d'A. Carlier, celui de Cerfontaine d'A. Balle, celui de La Louvière de Fl. Deprêtre et R. Nopère, ceux de Nivelles de J. Coppens, celui de Verriers de J. Wisimus, les nombreuses contributions de R. Dascotte sur le Centre, etc. Certains, pourtant particulièrement riches, sont encore inédits : par exemple, le travail de J. Renard sur Wiers, celui de l'abbé Massaux sur Dion, celui d'A. Bottequin sur Houtaing... Depuis les années 1970, la Société de langue et de littérature wallonnes a retrouvé un dynamisme nouveau et publie une remarquable revue, Dialectes de Wallonie, qui est l'héritière du Bulletin du dictionnaire wallon et de la revue éditée par la compagnie "Les amis de nos dialectes", Les dialectes belgo-romans. Le travail que l'on peut présenter comme le véritable couronnement de la dialectologie wallonne, c'est l'Atlas linguistique de la Wallonie (ALW) actuellement dirigé par J. Lechanteur. Haust, déçu par les enquêtes et les notations de l'Atlas linguistique de la France (ALF), déçu aussi parce que le réseau trop lâche de l'ALF avait laissé échapper trop de richesses de nos langues régionales, entreprend en 1924 l'exploration de 400 localités de Wallonie avec un questionnaire de 2100 questions, portant sur environ 4200 mots ou formes et inspiré des questionnaires de Gilliéron et de Bruneau. Seul et sans subvention, il avait, à sa mort, exploré complètement plus de 200 localités et, partiellement, environ 200 autres. Reprenant son travail, ses disciples organisent des enquêtes complémentaires afin de terminer des questionnaires inachevés et de mieux répartir les points étudiés. Finalement, la carte de base de l'ALW comprend 305 points, 300 en Wallonie, 3 dans la région de Lille et 2 dans la région de Givet, le questionnaire ayant été complètement rempli dans 342 localités. A la même époque, sous l'impulsion de Dauzat et de Gardette, on avait recommencé des enquêtes pour les nouveaux atlas linguistiques de la France par régions. La rédaction de l' ALW fut d'abord prise en charge par L. Remacle et E. Legros. S'inspirant de cartes provisoires publiées par Haust, les rédacteurs ont renoncé à livrer des matériaux bruts, comme l'avait fait l' ALF, et ont décidé d'analyser et de classer chacune des formes recueillies. C'est ainsi que les cartes de l'ALW ne fournissent pas les réponses recueillies sur le terrain, comme celles de l' ALF ou des atlas de Champagne, de Lorraine, de Picardie, etc.; elles contiennent des signes permettant au lecteur de se faire immédiatement une idée précise de la répartition des formes et des aires linguistiques. Des tableaux systématiques accompagnant la carte fournissent toutes les variantes en les analysant et en les classant. Les deux premiers volumes de l' ALW, rédigés par L. Remacle et portant sur la phonétique et sur la morphologie, constituent une véritable grammaire historique de nos langues régionales. Le dessein de Haust était surtout de collecter des données lexicales et cela apparaît bien à partir des volumes rédigés par E. Legros et consacrés aux phénomènes atmosphériques et aux divisions du temps (ALW 3), puis au vocabulaire de la vie rurale (ALW 9, terminé et édité par M.-Th. Counet). Tous les termes recueillis pour chaque question sont soigneusement étudiés (avec des remarques sur l'étymologie et une bibliographie); viennent ensuite des renseignements d'ordre syntaxique, parémiologique, folklorique, etc., puis des compléments issus de sources écrites, publiées ou inédites. Certaines cartes sont d'une richesse extraordinaire, richesse que personne n'aurait soupçonnée à la lecture des données de l' ALF. La méthode rédactionnelle a été reprise et approfondie par le responsable actuel, J. Lechanteur et son équipe, pour des volumes portant sur le ménage (ALW 4 et 5) et sur les animaux (volume actuellement sous presse, rédigé par M-G Boutier). Dans les volumes qu'il a rédigés, J. Lechanteur fait largement appel à une vaste documentation ancienne, puisée dans le dépouillement qu'il a entrepris des notaires liégeois des XVIIe et XVIIIe siècles. L' ALW est devenu un modèle que l'on voudrait imiter dans divers domaines de la Romania, à la fois atlas linguistique et ethnographique explicatif et encyclopédie lexicographique faisant la synthèse des travaux publiés jusqu'à présent. L'ampleur et la variété de la documentation recueillie pour l'ALW, les exigences que s'est fixées l'équipe de rédaction rendent la publication de cet atlas fort lente : alors que le tome I a paru en 1953, on ne dispose encore que de six tomes sur la vingtaine qui est prévue. Pour pallier quelque peu cet inconvénient, l'équipe dirigée par J. Lechanteur publie, depuis 1990, un Petit atlas linguistique de la Wallonie, qui a pour ambition de toucher non seulement le public spécialisé des dialectologues, mais encore un public plus large d'amateurs de nos langues régionales. A ce jour, deux volumes ont paru; ils contiennent chacun 20 cartes et un fascicule de commentaires. Certaines de ces cartes sont consacrées à des matériaux particulièrement riches et intéressants (par exemple POMME DE TERRE, EPI, SALE...); d'autres présentent de manière synthétique des phénomènes se manifestant dans des séries de mots (traitement de KW, de GW...); d'autres encore ont déjà été publiées dans l' ALW (l'article LA, le partitif DU...), mais sont présentées ici de manière plus schématique. L'étude des textes médiévaux et de leurs particularités régionales était un des sujets qui retenaient le plus les premiers dialectologues. Dans ce domaine, l'apport des wallonistes est remarquable. Les contributions de J. Feller et L. Remacle ont été capitales pour montrer que ces textes n'usaient pas du dialecte parlé, mais d'un français teinté de régionalismes. Des chercheurs comme A. Bayot, L. Michel, A. Henry, P. Ruelle, M. Arnould, A. Goosse, etc, ont édité et analysé de manière particulièrement approfondie de nombreux textes médiévaux. A côté des travaux consacrés aux particularités de notre français pendant le moyen âge, il en est d'autres qui se sont attachés au français régional des XVI°, XVII° et XVIII° siècles (L. Remacle, E.Renard, J. Herbillon, J. Lechanteur, A. Goosse, etc.) ou contemporain (M. Piron, J. Pohl, A. Goosse, A. Doppagne, L. Warnant, etc.). Beaucoup d'études dialectologiques combinent l'analyse linguistique des mots et l'observation ethnographique, ainsi celles de J. Haust, L. Remacle, E. Legros, W. Bal, P. Ruelle, A. Doppagne, L. Warnant, A. Lerond, J.-J. Gaziaux, J. Germain, R. Pinon, etc.; il faudrait citer ici également de nombreux articles publiés dans les Enquêtes du Musée de la vie wallonne. L'analyse des mots se termine souvent par une synthèse étymologique et dans le grand dictionnaire de von Wartburg (Französiches etymologisches Wörterbuch) apparaissent souvent les noms de chercheurs wallons, dont les propositions sont entérinées, par exemple : J. Haust, J. Feller, J. Warland, A. Henry, L. Remacle, E. Legros, M. Piron, J. Herbillon, P. Ruelle... C'est, en partie, grâce à la qualité de contributions de chercheurs belges, que l'onomastique a pu s'imposer en tant que discipline scientifique. Un des pionniers dans la recherche, O. Jodogne, a créé un enseignement à l'Université de Louvain en 1951. La monographie communale est un genre qui a été beaucoup pratiqué, aussi bien par des chercheurs chevronnés comme J. Herbillon, E. Renard, L. Remacle, J. Germain, etc., que par des étudiants romanistes pour leur mémoire de licence. Plus de 350 communes de Wallonie - sur les 1482 d'avant les fusions- ont été explorées. A côté de ces études examinant dans le détail tous les lieudits d'un endroit déterminé, il en est d'autres qui ont l'ambition de présenter une synthèse sur toute notre toponymie - bien entendu, il s'agit surtout des noms de localité. Le livre d'A. Vincent, bien que paru en 1927, doit encore être consulté de nos jours, ainsi que le prouve à chaque page le dictionnaire des noms de communes publié en 1986 par J. Herbillon. Vincent est également l'auteur d'une remarquable Toponymie de la France (1937), fort éclairante aussi pour l'histoire de nos noms de lieu et à laquelle les synthèses ultérieures de Dauzat-Rostaing et de Nègre ont largement fait appel, sans parvenir à la remplacer. En revanche, le dictionnaire d' A. Carnoy est souvent trop hardi et son auteur, négligeant trop les leçons des dialectologues wallons, ne fait pas preuve du même soin que Vincent. R. Toussaint et M. Willems se sont avancées dans un type nouveau de synthèse : à partir de toute la documentation disponible, elles ont essayé de déterminer quels procédés étaient utilisés pour désigner des essences forestières et les défrichements. Il faut enfin souligner qu'en toponymie, l'apport des chercheurs flamands est particulièrement important et citer notamment M. Gysseling, J. Devleeschouwer... En ce qui concerne l'anthroponymie, on retiendra aussi les noms d'A. Vincent et d'A. Carnoy, auteurs d'un livre sur les noms de famille belges. Le traité de Carnoy a inspiré à Jules Herbillon une très longue série de comptes rendus critiques qui constitueront un nouveau traité sur les noms de famille wallons, traité que J. Germain a entrepris de compléter après la mort de J. Herbillon. Plusieurs autres chercheurs (A. Body, J. Haust, L. Remacle, O. Jodogne, M. Arnould, E. Renard, A. Doppagne, etc.) ont effectué des études importantes non seulement sur les patronymes, mais aussi sur les prénoms, les sobriquets, les "blasons populaires" et diverses autres catégories de noms propres. Grâce à ce travail, la Wallonie figurera en bonne place dans un grand dictionnaire portant sur les noms de famille de la Romania tout entière, Patronymica Romanica, projet conçu à l'Université de Trèves et auquel participe activement une équipe de chercheurs wallons (sous la direction de J. Germain). Comme en toponymie, la recherche anthroponymique bénéficie de l'appoint de chercheurs flamands et les matériaux wallons occupent une place de choix dans le récent dictionnaire de Fr. Debrabandere. Les langues régionales de Wallonie sont utilisées à des fins littéraires depuis le XVII° siècle, mais c'est surtout à partir de la seconde moitié du XIX° siècle que s'est constituée une grande littérature de valeur universelle. Tous ces cheminements de nos lettres dialectales sont bien connus grâce à de belles synthèses, dont certaines sont illustrées par des textes, dues notamment à M. Piron, M. Delbouille, R. Lejeune, W. Bal, A. Maquet, J. Lechanteur, D. Droixhe, E. Lempereur, J. Guillaume... Un certain nombre de grands textes ont fait l'objet d'une édition remarquable (par J. Haust, J. Feller, M. Piron, le P.J. Guillaume..). Les écrits des critiques, surtout au cours de ce siècle, ont aussi contribué à élever les ambitions et les exigences de cette littérature - on pense surtout à M. Piron, à la chronique de La Vie Wallonne, etc. Enfin, certains dialectologues, étant eux-mêmes écrivains, ont essayé de dégager la signification profonde et le pourquoi de cette littérature en langue régionale (par exemple : W. Bal, A. Maquet...). Ce bref parcours à travers les travaux scientifiques consacrés à nos langues régionales ne montre que de manière trop fragmentaire ce qui a été réalisé jusqu'à présent. Pour avoir une meilleure idée de tout le travail accompli et pour se rendre compte combien les réalisations des wallonistes sont tenues en haute estime dans le monde international de la recherche scientifique, il suffit de consulter les grandes synthèses - par exemple le dictionnaire de von Wartburg - et l'on y découvrira la place importante qui y est réservée à la Wallonie. Une bonne part de ces contributions scientifiques sont dues à des personnes occupées à temps plein par d'autres activités (enseignement, etc). Le nombre des chercheurs pouvant se consacrer entièrement à la dialectologie a toujours été et reste extrêmement limité. En Suisse, les pouvoirs publics financent une équipe de cinq personnes pour travailler à la rédaction du Glossaire des patois de la Suisse romande; en France, les nouveaux atlas linguistiques par région ont été presque entièrement pris en charge par le C.N.R.S.. On est loin de compte chez nous, même si l'on tient compte des subventions accordées pour les enquêtes complémentaires de l' ALW et du crédit exceptionnel octroyé ces dernières années par le Ministère de la Communauté française pour la préparation et la rédaction de nouveaux volumes de ce même ALW; même si l'on tient compte aussi des crédits à la publication accordés parcimonieusement aux organismes et revues prenant en charge la publication des travaux scientifiques. Pourtant, il reste beaucoup à faire, dans des domaines divers. Des œuvres littéraires de grande valeur n'ont pas l'édition qu'elles méritent : on pense, par exemple, aux recueils de contes du Borain Henry Raveline, à nombre de textes plus anciens, etc. Tous les romanistes attendent avec impatience la suite de l'ALW. D'autres matériaux encore inédits mériteraient la publication. Des collections entières de documents anciens (archives des cours de justice, minutes de notaires, etc.) recèlent des richesses inexploitées. Beaucoup d'études de grande valeur, parce que disséminées dans des revues qui, pour la plupart, ne sont pas pourvues de tables systématiques, sont trop peu connues dans les milieux scientifiques. Et pourtant, les wallonistes, habitués à consulter celles qu'A. Goosse a réalisées pour les vingt-cinq premiers volumes du Bulletin de la Commission de toponymie et dialectologie, savent quels services rendent ces instruments de travail. Maintenant que l'on dispose de moyens informatiques d'un coût abordable, leur réalisation serait plus aisée. Il faudrait également envisager la réalisation d'autres outils fort précieux, par exemple des banques de données lexicales, toponymiques, anthroponymiques, etc.(2) Les dialectologues ont beaucoup travaillé pour faire progresser l'étude scientifique de nos langues régionales. Pourtant il reste bien des domaines à explorer et des problèmes importants à résoudre. Ce qui manque le plus à la dialectologie wallonne, ce sont des personnes disponibles et des moyens. (1) Ce texte applique les rectifications orthographiques publiées le 6 décembre 1990 dans le Journal officiel de la République française. (2)
On trouvera les références de la plupart des travaux cités
dans M.-Th. Counet, Mots et choses de Wallonie, Aspects du lexique
dialectal de nos régions, Liège, SLLW, 1990 ou dans
J. Germain et J.-M. Pierret, Introduction bibliographique à
la dialectologie wallonne, dans Cahiers de l'Institut de Linguistique
de Louvain, t. 7. (3-4), 1981, p. 13-168. |
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