4 Jean-Marie Kajdanski, Èd finès forches, poèmes en picard avec leur traduction en français, éditions Tétras-Lyre, De Wallonie, 8, rue du Palais, 4000 Liège,2022, 66 pp., 14 €. Comme le dit très justement Julien Noël dans sa préface, « Jean-Marie Kajdanski manie la plume comme un peintre, par touches délicates. L’effet dépend souvent d’un seul mot. Des blancs typographiques, qui se substituent aux virgules, caractérisent aussi son écriture. Ces silences marquent à la fois le rythme et la pudeur typiques des parlers régionaux ». Je partage entièrement cet avis, notamment concernant les blancs, qui permettent, me semble-til, mieux que la virgule, de moduler les silences, les arrêts. Les poètes anciens, grecs et latins, Virgile ou Hésiode, avaient la ressource du rythme, et ce rythme, avec sa lenteur toute paysanne, convient parfaitement à notre auteur. Une attention, une patience, une valeur du silence, qui sont ici essentielles. Ce sont celles du jardinier. Même à notre époque, des titres de livres ou de films viennent le confirmer, « The Constant gardener », ou bien « Dialogue avec mon jardinier ». Mais aussi cet adjectif wallon, venu tout droit du latin dont il gardé le sens propre : un bon jardinier, c’est celui qui est curieux dans son jardin, curieux, c’est-à-dire plein de soin, d’attention, de souci aussi, celui auquel rien n’échappe. Mais son jardin à lui, c’est aussi bien le ciel, le marais, la rivière. Une certaine acuité du regard, liée à la qualité du silence, et à la justesse des mots, ses outils. Nous pourrions multiplier les exemples. Citons-en quelques-uns, pris au hasard : étampé ô mitan dèl coutûre / dés-espitûres d’étwâles / i rimplit’tè sés-ieûs. debout au milieu du champ/ des copeaux d’étoiles / plein les yeux i-y-a toudi ène séqwa / à démucher. Il y a toujours quelque chose / à découvrir i n’moute érié / i prîje tout tout- à l’intour // cha pale tout seû // i va i vièt il ne désigne rien // il va il vient // ça parle tout seul li d’sus gambes timpe ô matin // i va fwîr ès’gardin // lui levé de bonne heure // il va bêcher son potager acouter raviser // fourféyages mûsåges écouter regarder // bruissements murmures Et…les autres ? me direz-vous. Ne va-t-on pas tout droit, ainsi, vers le solipsisme ? Pas le moins du monde. Kajdanski évoque, dans une seconde partie du recueil, la communauté des hommes, en
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